[Le petit biologiste] Bricoler le vivant: un nouveau jeu de construction pour amateurs ?

PARIS – La biologie tend-elle à devenir un jeu de Lego avec des briques biologiques ? Les méthodes du « do it yourself » (DIY), du bidouillage isolé dans un garage, qui ont permis des percées dans l’informatique, s’étendent aussi aux biotechnologies.

Rêvant de créer un jour leur start-up ou simplement désireux d’expérimenter, de jeunes bricoleurs du vivant manipulent de l’ADN, l’insèrent dans des bactéries pour faire du yaourt fluo ou des biocapteurs détectant la présence de polluants.

Après avoir mis au point des « boîtes à outils » facilitant l’ingénierie du vivant, ces « biohackers » échangent ces kits de reprogrammation génétique sur internet.

Il y a des « avancées technologiques telles » en biologie synthétique que dès que les gens pensent pouvoir bricoler dans leur propre garage, « ils arrivent à trouver des technologies DIY pour le faire », explique Ariel Lindner, co-fondateur du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) à Paris.

Transformer des bactéries en usines productrices de biocarburants, de médicaments ou de nouveaux matériaux est un des objectifs de la biologie de synthèse.

La communauté DIYbio qui réunit au moins une vingtaine de groupes locaux dans le monde, dont un en France depuis cette année, veut rendre l’expérimentation biologique accessible aux amateurs en dehors des installations professionnelles traditionnelles. Afin de créer librement leurs propres projets.

« Au CRI, tout est fait dans le cadre d’un laboratoire », souligne M. Lindner, qui depuis 2007 encadre un petit groupe d’étudiants passant leurs vacances d’été à préparer un concours lancé en 2004 par le prestigieux MIT américain. Une compétition invitant à manipuler des « briques » biologiques standardisées (« Biobricks ») afin de créer des bactéries dotées de nouvelles fonctions : détecter l’arsenic, changer de couleur, d’odeur…

Faire compter des bactéries 165 équipes du monde entier, dont quatre venues de Paris, Lyon, Grenoble et Strasbourg, ont participé en 2011 au concours iGEM (international Genetically Engineered Machine) ouvert aux étudiants n’ayant pas encore entamé une thèse.

Cette année, l’équipe parisienne comptait une quinzaine de passionnés de différentes disciplines, de la biologie à l’informatique. « La culture de la maison, c’est de promouvoir leurs idées et leurs projets », déclare M. Lindner qui cherche à faire de « l’enseignement par la recherche ».

En 2010, les huit membres de l’équipe CRI-fondation Bettencourt avaient montré qu’on pouvait faire compter des bactéries jusqu’à cinq. Un jeu ? Peut-être une technique utile dans le futur, selon M. Lindner.

Si les bactéries issues de l’ingéniérie génétique savaient compter les étapes d’une tâche à accomplir, elles pourraient s’autodétruire quand elles ont fini.

Ex-participant à iGEM 2007, Thomas Landrain a créé en avril La Paillasse, premier groupe français réunissant quelques dizaines « de passionnés de biologie » qui entendent « s’inspirer du mouvement DIYbio.org ».

« On a voulu mettre en place un laboratoire qui puisse être accessible à n’importe qui », dit-il, précisant qu’on peut y élever des bactéries. Mais « tous les organismes qu’on manipule sont absolument inoffensifs pour l’homme », assure le fondateur de La Paillasse qui poursuit : « il y a autant de danger à travailler dans sa propre cuisine que dans notre labo ».

« On ne produit pas d’organismes génétiquement modifiés bien qu’on en ait les moyens », car on ne veut pas « être hors la loi, on n’est pas des pirates », ajoute le jeune chercheur qui prépare une thèse de biologie synthétique dans un laboratoire du Génopole d’Evry.

(AFP)

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[Un de moins] Norman Krim, le pionnier du transistor, s’est éteint à 98 ans

Dans les années 50, Norman Krim fut le premier à entrevoir le potentiel de l’invention du transistor et à pousser à sa production de masse.

Le New York Times vient de rendre hommage à Norman Krim qui s’est éteint la semaine dernière aux États-Unis à l’âge de 98 ans. Cet homme est considéré comme le visionnaire qui a entrevu dans les années 50 le potentiel du transistor et incité son entreprise, Raytheon, à industrialiser sa production.

Des milliards de transistors produits chaque jour

Le transistor avait été inventé en 1947 par des scientifiques des Bell Labs. Krim a convaincu Raytheon de produire des transistors pour équiper un appareil auditif miniature qu’il avait conçu. Mais il s’est trouvé qu’une série de ces transistors nommée CK722s produisait un bruit trop important pour ces oreillettes. Du coup, Norman Krim a commencé à vanter les mérites de cette version auprès des geeks de l’époque via des revues spécialisées. On a alors vu fleurir nombres de postes de radio, d’ampli pour guitares, d’oscilloscopes et autres détecteur de métaux.

Les prémices de l’électronique moderne où le transistor joue toujours un rôle clé. « On trouve aujourd’hui 50 millions de transistors sur une seul puce informatique et des milliards de transistors sont produits chaque jour » commente le conservateur du musée en ligne du transistor cité par le New-York times.

(zdnet.fr)

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[Dégageons-les !] La fureur énergétique (ou comment s’en défaire)

C’est un texte-tract sans fioritures, un uppercut bien senti. Distribué lors de manifestations anti-nucléaires en octobre dernier, signé par les camarades des éditions La Lenteur, il s’attaque frontalement aux fondements de notre société de consommation droguée à la surenchère énergétique, à sa morbide course vers la grande culbute. Comme on aimerait lire ça plus souvent, on a choisi de le publier.

Ce texte a été distribué lors des manifestations antinucléaires du 15 octobre dernier, dans la ville de Toulouse. Il est librement inspiré d’un autre tract au titre semblable, qui avait circulé dans les Cévennes peu après le début de la catastrophe de Fukushima.

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Depuis longtemps, la mémoire des hommes avait enregistré que la côte Nord-Est du Japon était exposée à des tsunamis violents du fait de la proximité d’une zone sismique. Au XIXe siècle, une vague de 30 mètres avait été observée. Malgré ce que le Japon avait déjà subi de la science de l’atome en 1945 (Hiroshima, Nagasaki), le forcing industriel avait réussi quelques années plus tard à implanter là une centrale nucléaire à l’abri d’une digue de 5 mètres seulement.
Le 11 mars dernier, la violence des flots a anéanti tous les dispositifs de sécurité. Pompiers, techniciens, liquidateurs volontaires ou forcés (certains sont réquisitionnés parmi les SDF), tentent depuis des mois, au péril de leurs vies, de freiner le processus inimaginable qui s’est déclenché à Fukushima. Tellement inimaginable que personne n’en souffle plus mot, que les médias préfèrent ne rien nous en dire, et laisser ce démenti brûlant de l’arrogance moderne s’épancher dans un assourdissant silence – de honte.

La compagnie propriétaire du site était connue pour ses mensonges. En accord avec l’État, elle avait systématiquement minimisé des incidents antérieurs. La catastrophe en cours depuis mars démontre la fatuité des élites politiques et techniciennes, leur impuissance à dominer la machinerie qu’ils ont mise en branle, qui est hors de proportion avec l’intelligence et les sentiments humains. Cet emballement n’est pas propre au nucléaire : la dérive climatique suscite une détresse analogue. Le déséquilibre entre ce qu’une activité humaine aliénée, obsédée par l’efficacité à court terme, peut produire et ce que les êtres humains sont en général capables de comprendre et d’endurer, apparaît de plus en plus tragiquement.

La conjuration industrielle présente la croissance des moyens de production les plus extrêmes comme inévitable, du fait de l’explosion démographique et de la demande universelle de « confort ». Les décideurs veulent faire croire que c’est la somme de besoins individuels qui pousse spontanément au gigantisme et à la déraison. Mais alors, pourquoi n’interdisent-ils pas la publicité qui stimule et déforme ces besoins (et coûte si cher en énergie…) ? C’est que la société dont ils sont les dépositaires ne pourrait tenir sans cela. Impossible d’arrêter la course au plus. Les capitaux partout investis doivent fructifier, sous peine de faillite généralisée.

Les élites enragées de bizness font ainsi chanter des peuples le plus souvent passifs et consentants : la surenchère énergétique ou le gouffre économique ! La course à l’abîme écologique ou le chaos social ! La peste ou le choléra ! Peu importe que ce soit du nucléaire, du gaz de schistes, du pétrole ou du renouvelable (éolien, photovoltaïque) – filières différentes mais sur lesquelles surfent indifféremment les firmes les plus avisées, comme GDF-Suez. L’important est que soit exclue la question : « Combien d’énergie et pour quoi faire ?  » La boulimie d’énergie est la malédiction normale d’une société qui a accepté l’autonomie de la logique économique comme un bien (ou un moindre mal).

Qui veut aujourd’hui remettre frontalement en cause cette logique économique et la boulimie mortifère qui en découle ? Qui souhaite sérieusement sortir de la compétition mondiale, de la course aux plus bas coûts de production, du règne des chiffres, du renouvellement incessant des marchandises, de l’extension sans fin des réseaux de communication (matériels et immatériels) ? Bref, qui est prêt à se battre contre le développement, pour une autre idée de l’homme que celle qui a dominé en Occident et ailleurs depuis plusieurs siècles ?

Actuellement, aucune force politique ou sociale n’existe pour cela. Par contre, cette direction affleure dans un certain nombre de luttes locales contre des infrastructures industrielles, en Europe et en Amérique latine. Elle est portée, souvent de manière incomplète, timide ou implicite, par ceux et celles qui se battent contre le TGV dans le Piémont (Italie) et au Pays Basque (Espagne), ou qui empêchent la construction du nouvel aéroport de Nantes, par une partie de la mobilisation contre l’extraction de gaz de schistes en France, par les luttes contre l’implantation d’éoliennes ou les transports de déchets nucléaires.

Il serait bon que l’espace et l’esprit de ces luttes s’étendent dans la société. Il serait souhaitable qu’elles amènent au centre du débat politique la nécessité d’un inventaire radical de nos besoins – un inventaire qui ne reposerait pas sur les statistiques des experts et ouvrirait d’autres perspectives que celle, chimérique, d’une « consommation responsable ». Comme le disent des antinucléaires bretons, «  la ligne de partage n’est pas entre le nucléaire et les énergies alternatives mais entre une production d’énergie centralisée, commerciale et gérée par en haut, et une production décentralisée, contrôlée localement et renouvelable ; une production en contact direct avec les besoins qu’elle doit satisfaire. C’est seulement à l’échelle locale que se dissout l’alternative entre le nucléaire et la bougie : car là les besoins existants peuvent se donner les moyens de la production qui leur est nécessaire, et en retour les possibilités de production peuvent redéfinir intelligemment les besoins. Il faut cesser de penser la question de l’énergie en terme national si l’on entend sortir de l’impuissance  ».

Ajoutons qu’il faut aussi sortir du cadre de la politique professionnelle et électorale. La totalité de la classe politique française s’est portée caution des meurtres de Tchernobyl et Fukushima, en n’arrêtant pas immédiatement et sans condition les centrales nucléaires sur notre sol, et en continuant d’en exporter à travers le monde. Pourra-t-on, chez nous, en sortir sans dégager l’ensemble de nos représentants ?

Les éditions La Lenteur, octobre 2011

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Les éditions La Lenteur ont publié en 2007 une Histoire lacunaire de l’opposition à l’énergie nucléaire en France, textes choisis et présentés par l’ACNM ; elles feront paraître en 2012 une réédition de Tchernobyl, une catastrophe, bilan de l’accident européen de 1986 dressé par les physiciens indépendants Bella et Roger Belbéoch.
Leur dernière publication est un essai de Dwight Macdonald, Le socialisme sans le progrès (The Root is Man), figure de la gauche antistalinienne aux États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale. Dans cet ouvrage publié en 1946, il remettait en cause l’idée que le communisme découlait logiquement du développement des sciences et de l’industrie. À ses yeux, le Progrès pouvait être un obstacle à la construction d’un monde plus juste, fraternel et libre. Il soulignait que la construction d’un tel monde exigeait la défense de certaines valeurs (et donc leur mise en discussion), plutôt que de s’en remettre au seul processus du développement économique.

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Petite pub en passant : Le tout récent numéro 7 de la version papier d’Article11 contient un reportage de Christine Ferret sur le déni de catastrophe dans le Japon post-Fukushima – « Japon : déni atomique ». Médias, politiques, société civile… tous (ou presque) d’accord pour faire comme si de rien n’était.

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(Article XII)
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[Un de moins] Le héraut de la recherche informatique Jacob Goldman meurt à 90 ans

Le Palo Alto Research Center a perdu son co-fondateur avec le décès de Jabob E. Goldman.

Au sein de Xerox, il aura prôné l’investissement dans la recherche et développement, et marqué l’histoire de l’informatique.

Jacob E. Goldman s’est éteint mardi dernier à l’âge de 90 ans. Il est à l’origine du centre de recherche Xerox PARC, qui a entre autres inventé les interfaces modernes de nos systèmes d’exploitation. Né en juillet 1921, l’homme a fait des études de physique à l’université de Pennsylvanie aux Etats-Unis. Il est ensuite débauché de la Ford Motor Company par Xerox en 1968. Il pousse alors pour qu’un centre de recherche soit créé. Il obtient gain de cause avec le Xerox Palo Alto Research Center (Xerox PARC devenu PARC ensuite) qui voit le jour en 1970 en Californie. Il est alors vice-président senior de la recherche et développement, et durant les 5 premières années de l’existence de ce centre de recherches en informatique, le budget qui est alloué au PARC passe de 60 à 165 millions de dollars.

Goldman fut le chantre de la R&D, n’hésitant pas à expliquer qu’il peut s’écouler dix années avant qu’elle ne porte ses fruits. Une décennie aura justement permis à des innovations majeures de voir le jour. Ainsi, c’est dans les laboratoires du PARC que l’impression laser est mise au point. Le PARC accouche également du protocole ethernet. Le langage orienté objet est aussi à mettre à l’actif de ce centre de recherche, tout comme le premier éditeur de type WYSIWYG (What you see is what you get).

Mais s’il est une innovation majeure qui a révolutionné et jeté les bases des systèmes d’exploitation des futurs ordinateurs, c’est bien l’Interface Graphique Utilisateur (GUI en anglais) mise en œuvre dans l’ordinateur Xerox Alto du PARC en 1973. L’interface dispose d’icônes, de menus déroulants et des fenêtres qui mettent en oeuvre le « pointer et cliquer ». Les travaux sur le GUI avaient été initiés en 1968 par Douglas Engelbart.

Apple et Microsoft reprendront plus tard cette approche dans leurs propres systèmes d’exploitation. Tout d’abord, c’est la firme de Cupertino qui le popularisera avec le Macintosh. Pour la petite histoire, Steve Jobs visita le PARC en 1979 et en ressorti avec des idées plein la tête. Devant un ordinateur Alto, le fondateur d’Apple se serait écrié : « Pourquoi n’en faites vous rien ? C’est la plus grande chose qui soit. C’est révolutionnaire ! » rapporte le New Yorker.

Et c’est peut-être tout le drame de Xerox : ne pas avoir su capitaliser sur ses innovations. Jacob E. Goldman prit ensuite sa retraite en 1982. Mais il restera à jamais comme le co-fondateur d’un centre de recherche majeur dans l’histoire de l’informatique.

(itespresso.fr)

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[Loft Story] Le quartier de la Part-Dieu vire au cauchemar sécuritaire

Mutualisation des images de vidéo-surveillance entre public-privé, augmentation monstrueuse du nombre des caméras, la Part-Dieu vire au cauchemar sécuritaire. Si vous sou­hai­tez pren­dre le train, le bus, cir­cu­ler en ville en voi­ture ou à pied, faire quel­ques achats ou aller … Continuer la lecture

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[Vidéoflics kill the vidéostars] Vidéoflic à Genève et à Rouen (et bientôt partout ?)

Un blog pour offrir une nécessaire cartographie des caméras de surveillance de Genève. À l’heure où les yeux du contrôle policier se multiplient, apprends à mieux connaître et localiser ces ennemis.


Voir la carte

Tu veux participer?
videoflicage at onenetbeyond.org

 

Et pareil à Rouen

http://www.echelleinconnue.net/fiche16/

 

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[On l’avait vu venir] Les chasseurs alpins minatec-isés

En 2006, s’efforçant de créer une convergence des luttes contre l’inauguration de Minatec, l’Opposition Grenobloise aux Nécrotechnologies (OGN) dénonçait les liens entre les nanotechnologies et l’armée, entre la Délégation Générale à l’Armement et le CEA. Cette année-là, un étudiant de Lyon publiait un mémoire sur ce sujet, dévoilant en particulier les recherches de l’armée française sur le projet FELIN, un « combattant du futur » sauce high tech.

2011, nous y sommes. Le fantassin FELIN est lancé sur le marché de la guerre. Et ça commence où ? Avant même d’équiper les forces françaises en Afghanistan ? Devinez donc… Au 13e BCA, le bataillon des chasseurs alpins qui, il y a quelques jours, s’entraînait avec son nouveau matériel en Maurienne, sous les yeux émerveillés du Dauphiné Libéré (8/12/2011, voir plus loin, ndlr).

On y apprend que par FELIN :
- chaque fantassin est équipé de capteurs permettant aux commandants d’observer l’évolution des mouvements sur des écrans informatiques. Les sections apparaissent comme autant de rectangles bleus, avec leur position au mètre près, grâce au GPS.
- chaque fantassin communique avec les autres et la base par un micro et des écouteurs qui ne couvrent ni la bouche ni les oreilles : la boîte crânienne sert de caisse de résonance. « On a l’impression qu’on nous parle en intérieur », sourit un chasseur alpin (DL).
- l’équipement “Félin” comprend aussi des lunettes permettant de repérer la chaleur émise par le corps humain. « On gagne ainsi en capacité de tir et en profondeur », explique le sergent-chef Truchet.(DL)
- et sans doute d’autres petites merveilles que nous découvrirons au fur et à mesure.

En 2006, via OGN, plus d’une cinquantaine de militant-e-s s’organisaient autour de ces questions, diffusant des dizaines de milliers de tracts, organisant des dizaines de débats publics, agitant de près ou de loin toutes les sphères de la gauche grenobloise. Minatec inauguré à coups de matraques et de gardes à vue, les opposant-e-s s’éparpillaient, au gré des humeurs, des lassitudes et des divergences politiques.

Cinq ans plus tard, cette information sur les FELIN fera partie d’un petit post sur Indymedia, lue sans doute par les quelques dizaines de personnes qui se connectent encore sur ce site en déclin. Cette information sera probablement développée dans un petit article du Postillon, ou dans un texte de PMO qui finira à son tour ’’valorisé » dans la petite maison d’édition anarchiste L’Échappée, pour être lu par quelques milliers de personnes disséminées en France, inorganisées et impuissantes.

2012, les nouvelles générations de libertaires grenoblois sauront-elles faire mieux que leurs ainé-e-s impuissant-e-s ? On l’espère de tout coeur. L’organisation nous manque !

(indy-Grenoble) La veille

Les chasseurs alpins numérisent le champ de bataille

Au PC du 13e BCA, la guerre s’affiche sur écran géant. Les sections apparaissent comme autant de rectangles bleus, avec leur position au mètre près, grâce au GPS. « On pourrait afficher chaque chasseur, mais ça ferait beaucoup de spots », explique le sergent-chef Truchet, de la cellule communication du bataillon. Il connaît bien le système” Félin”, pour l’avoir testé en 2008. Le “13” est la seule unité à en être aujourd’hui dotée, avec le 1 er régiment d’infanterie qui va bientôt le mettre en pratique en Afghanistan.

« “Cerces” est un exercice organisé par la brigade pour ses régiments », explique le lieutenant-colonel Catar, chef opérations de la 27e BIM. Ces jours-ci en Maurienne, “Félin” sort donc ses griffes dans le dur environnement alpin, avec neige et froid. C’est un nouveau test pour cet outil de numérisation du champ de bataille. Pour ceux qui l’utilisent, la tâche n’est pas moins rude : les chasseurs alpins se sont infiltrés de nuit, pendant une dizaine d’heures, avec 30 à 40 kilos sur le dos, avant de s’atteler à leur mission : la destruction de groupes ennemis, matérialisés par des cibles.

Car dans le grand champ de tir des Alpes, “Cerces” se déroule à armes réelles. « Nous utilisons toutes les munitions, du Famas à l’obus de 155 explosif », résume le colonel Catar. La force du dispositif “Félin” est d’intégrer l’ensemble des moyens.

Le commandement a une vision globale du terrain

Le PC du 13e BCA est en fait un “groupement tactique interarmes” qui gère toutes les informations, des renseignements obtenus aux opérations en cours. Les demandes issues de la base peuvent être émises très vite, et la réponse est tout aussi rapide. Les fantassins peuvent faire appel aux unités qui les soutiennent : hélicoptères pour une évacuation sanitaire, sapeurs pour ouvrir un itinéraire ou procéder à un déminage, artilleurs avec leurs mortiers lourds et leurs canons “Caesar”. Les procédures pour éviter les tirs fratricides sont accélérées, puisque le PC du bataillon sait en permanence où tout le monde se trouve, sans avoir besoin de le demander.

L’équipement individuel du fantassin a gagné aussi en efficacité. Chaque homme est équipé d’un micro et d’écouteurs qui ne couvrent ni la bouche ni les oreilles : la boîte crânienne sert de caisse de résonance. « On a l’impression qu’on nous parle en intérieur », sourit un chasseur alpin. L’équipement “Félin” comprend aussi des lunettes permettant de repérer la chaleur émise par le corps humain. « On gagne ainsi en capacité de tir et en profondeur », explique le sergent-chef Truchet.

Pour autant, le métier des armes n’est pas un jeu vidéo, et la montagne reste un environnement périlleux : à cause des chutes de neige, une partie de la zone prévue pour l’exercice a dû être neutralisée.

(Le Daubé) Frédéric THIERS

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[Dociles a domicile] Le prolétariat à l’heure des machines

La lecture de la semaine, il s’agit d’un article publié dans l’hebdomadaire britannique The Economist le 3 décembre et intitulé : “Le retour des ordinateurs humains”

“C’était à la fin de l’été 1937 et la reprise post-crise était en train de caler. Le gouvernement américain avait de l’argent à dépenser pour la relance, mais, l’arrivée de l’hiver étant imminente, peu de projets de construction pouvaient être lancés. Il fut donc décidé de créer des bureaux de poste. L’un d’eux était situé à un étage d’un vieil et poussiéreux immeuble industriel new-yorkais, pas loin de Time square. Il était censé accueillir 300 ordinateurs – mais des êtres humains, pas des machines.

Ces ordinateurs produisaient les calculs nécessaires à la création de tableaux mathématiques, un outil de référence alors indispensable à beaucoup de scientifiques. Les calculs étaient complexes et ces ordinateurs, en grande partie recrutés dans les rangs du prolétariat new-yorkais, ne possédaient que les bases des mathématiques. Les mathématiciens en charge du projet travaillèrent donc à la division des calculs en suite d’opérations simples, dont l’accumulation finissait par donner les résultats recherchés.

Cette technique a été employée pendant des décennies en Amérique et en Europe. Le secteur de l’informatique humaine a même eu son propre journal et son propre syndicat. Ces bureaux calculaient des trajectoires balistiques, traitaient les statistiques du recensement et prévoyaient le déplacement des planètes. Ils ont continué d’exister jusque dans les années 60, quand les ordinateurs électroniques sont devenus suffisamment bon marché pour faire entrer cette activité dans l’Histoire.

Jusqu’à récemment. Car depuis quelques années, l’informatique humaine est réapparue. La nouvelle génération des ordinateurs humains est en charge de nouvelles tâches, mais ils ressemblent à leurs prédécesseurs par bien des aspects. Ils sont répartis pour remplir des tâches que les ordinateurs ne peuvent pas remplir. Ils sont employés en grand nombre et sont organisés en chaines de travail rationalisées. Et, comme c’était le cas avant l’ère des ordinateurs électroniques, les fruits de leur travail sont combinés pour générer des résultats qui pourraient difficilement être produits autrement.

Dans une expérience qui prouve ce principe et a été réalisée cette année, les ordinateurs humains ont été utilisés pour créer les entrées d’une encyclopédie. Comme lorsqu’il s’agit de calculer, c’est un métier qui exige une qualification, mais une qualification qui peut être divisée en parties simples, comme la recherche initiale, l’écriture et l’édition. Aniket Kittur et ses collègues de l’Institut d’interaction homme-machine de la Carnegie Mellon University de Pittsburgh en Pennsylvanie ont créé un logiciel, CrowdForge, qui organise ce processus. Le logiciel distribue des tâches à des travailleurs en ligne grâce à Mechanical Turk, un site d’externalisation du travail appartenant à Amazon. Les travailleurs envoient en retour leur travail à CrowdForge, qui combine les retours et donne des résultats étonnamment lisibles. Plusieurs start-ups américaines fonctionnent sur ce principe. L’une d’elles, Casting Words, divise des fichiers audio en blocs de 5 minutes et les distribue à des gens pour qu’ils les retranscrivent. Chaque transcription est automatiquement envoyée à d’autres travailleurs pour vérification et quand elle considérée comme assez bonne, un ordinateur (électronique cette fois) assemble les segments et retourne le produit fini au client. Une autre start-up (Cloud Crowd) utilise le même système pour des traductions. Une dernière a recours à des travailleurs en ligne quand les ordinateurs électroniques échouent dans la reconnaissance d’objets photographiés sur iPhone.

Mais le meilleur reste à venir. Dans les bureaux de calcul d’antan, les chaînes étaient coordonnées par des cadres, souvent des mathématiciens, qui avaient travaillé à la manière de déconstruire les calculs complexes auxquels les ordinateurs humains allaient s’attaquer. Aujourd’hui ce sont des contremaîtres de silicium qui supervisent les ordinateurs humains. Ces algorithmes, qui coordonnent les travailleurs branchés sur ces plateformes de travail à la pièce en ligne, sont assez nouveaux et susceptibles de devenir de plus en plus sophistiqués. Les chercheurs sont par exemple en train de créer un logiciel qui permette plus facilement d’assigner les tâches aux travailleurs – ou, pour le dire autrement, de programmer les humains.

Eric Horvitz, du laboratoire de recherche de Microsoft à Redmond a réfléchi à la manière dont un tel logiciel pourrait être utilisé. Il imagine un avenir dans lequel des algorithmes coordonneraient une armée de travailleurs humains, de senseurs physiques et d’ordinateurs conventionnels. Dans le cas où un enfant disparaîtrait, par exemple, un algorithme pourrait assigner certains volontaires à la fonction de recherche, demander à d’autres d’examiner les images de vidéosurveillance. Le système irait aussi à la pêche dans les informations locales pour trouver des cas similaires. Ces éléments seraient combinés pour créer un cyborg détective.

Cela semble terriblement futuriste, et assez différent de la computation à base d’encre et de papier qui était celle d’antan. Mais David Alan Grier, un historien de l’informatique à l’université George Washington, pense que les architectes de ces nouveaux systèmes pourraient apprendre beaucoup en étudiant les anciens. Il pointe que Charles Babbage (Wikipédia), qui avait imaginé le premier ordinateur mécanique, avait beaucoup réfléchi à la manière de réduire les erreurs faites par les ordinateurs humains. Babbage a compris que le fait de dupliquer les taches et de comparer les résultats n’était pas suffisant, car des travailleurs différents ont tendance à faire les mêmes erreurs. La meilleure solution est de trouver différentes manières de faire le même calcul. Si deux méthodes donnent la même réponse, le résultat a plus de chance d’être le bon, a compris Babbage.

Il y a beaucoup d’autres choses intéressantes à trouver dans l’histoire, explique Grier. Les pionniers de l’informatique humaine ont aussi beaucoup écrit sur la meilleure manière de briser un calcul complexe en sous-tâches complètement indépendantes les unes les autres. Grier est souvent invité à des conférences sur l’informatique humaine, et il aime y inciter les chercheurs à aller se plonger dans les leçons oubliées, mais pertinentes des premiers chapitres de l’histoire de l’informatique.”

Voici pour ce texte de The Economist qui m’étonne sur un point : rien sur l’aliénation que cela représente de fournir un travail comme celui-là. Traduire un fragment de texte, transcrire un fragment de son, c’est une sorte de fordisme informatique dont on peut penser qu’il n’est pas sans conséquence. Cette manière dont le secteur tertiaire réinvente le prolétariat est toujours fascinante. Mais ça, The Economist s’en fout.

(internetactu.net) Xavier de la Porte

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[Ca peut pas marcher à tous les coups] Un satellite russe retombe après lancement

Le satellite de communications Meridian est retombé au sol vendredi peu après son lancement en Sibérie, ajoutant à une série d’échecs dans le secteur spatial russe, selon des sources militaires citées par les agences de presse russes.

Ce satellite à usage militaire ou civil n’a pas atteint son orbite et il est retombé près de la ville de Tobolsk, à 2.300 km environ de Moscou, précisent les agences. Selon des sources militaires, l’accident est dû à une défaillance de la fusée porteuse. Un représentant de l’industrie spatiale a déclaré à Interfax que cet échec risquait de retarder le lancement du vaisseau de ravitaillement Progress, prévu en janvier.

Reuters

 

Un satellite militaire russe retombe en Sibérie après l’échec du lancement

Le secteur spatial russe poursuit sa série noire. Vendredi 23 décembre, le satellite de communications militaires et civiles Meridian est retombé en Sibérie en raison d’une panne à bord de la fusée fusée Soyouz qui devait le mettre en orbite, ont rapporté les agences russes.

L’agence Ria Novosti, citant une source militaire, a précisé que l’appareil est retombé dans la région de Tioumen, en Sibérie occidentale, près de la ville de Tobolsk. Aucune information n’a été communiquée sur d’éventuels dégâts ou victimes. L’agence spatiale Roskosmos et le ministère de la défense n’ont pas souhaité s’exprimer.

La Russie a lancé vendredi ce satellite à bord d’une fusée Soyouz-2.1A depuis le cosmodrome militaire de Plessetsk (800 km au nord de Moscou). Meridian devait être utilisé à la fois à des fins militaires et civiles, notamment pour aider à assurer la communication entre des navires, des avions et les infrastructures terrestres dans l’Arctique.

SÉRIE NOIRE

Le dernier échec en date du secteur spatial russe remonte au mois de novembre lorsque la sonde Phobos-Grunt, qui devait se diriger vers un satellite de Mars, est restée en orbite autour de la Terre, sur laquelle il devrait retomber début janvier. Il devait s’agir de la première mission interplanétaire russe depuis quinze ans. Plus grave, l’échec en août du lancement par Soyouz d’un vaisseau de ravitaillement vers la Station spatiale internationale a paralysé pendant environ trois mois les départs vers l’ISS.

Au total, en 2011, ce sont cinq lancements sur 33 qui se sont soldés par un échec, selon l’agence Interfax. Compte tenu de ces problèmes à répétition, l’homme fort de la Russie Vladimir Poutine a limogé en avril le chef de Roskosmos. Son successeur a pour mission de revoir le fonctionnement de l’industrie spatiale russe.

Mercredi, une fusée russe Soyouz a toutefois décollé avec succès du cosmodrome de Baïkonour, dans le Kazakhstan, vers la Station spatiale internationale avec à son bord trois spationautes.

 

AFP

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[Quand les technocrates pleurent] Vingt-cinq ans après sa mort, l’héritage de Georges Besse

Vingt-cinq ans après sa mort, l’héritage de Georges Besse Il y a vingt-cinq ans, en novembre 1986, Georges Besse, alors PDG de Renault, était assassiné devant son domicile par Action directe. A l’occasion d’un retour sur son parcours et sa personnalité (« Bulletin de la Sabix » – Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’Ecole polytechnique, n° 49, septembre 2011 ; « Annales des Mines. Réalités industrielles », août 2011), se pose avec force la question de l’actualité des valeurs qu’il incarne. Georges Besse (1928-1986), X-Mines, était fils d’un ouvrier monteur de lignes téléphoniques. A notre époque où l’enseignement secondaire et le baccalauréat sont calibrés pour accueillir 75 % d’une classe d’âge, que représente encore la notion d’« ascenseur social » ? Pendant longtemps, la sélection par les mathématiques a été vue comme formatrice au raisonnement et plus égalitaire qu‘une sélection fondée sur la culture générale, nécessairement plus liée au milieu d’origine. Elle conduit notamment, via les grandes écoles, aux métiers d’ingénieur, qui restent fort prisés. Cette spécificité française est aujourd’hui menacée par une vision plus uniformisatrice qu’égalitaire, dictée par une compréhension à courte vue du célèbre « classement de Shanghai », sorte d’agence de rating des formations mondiales – ce classement est d’ailleurs dépourvu de tout critère lié au milieu social. Dans le même temps, se met en place une autre forme de sélection, celle de la filière des sciences économiques et politiques, qui se love à merveille, en les accentuant, dans les travers pris par le système des grandes écoles. Par-delà les effets d’annonce des quotas ZEP et de la discrimination positive, cette sélection se fait sur concours, de manière plus précoce (maints élèves suivent une coûteuse préparation pendant leur année de terminale !), moins égalitaire et au bénéfice de milieux sociaux bien informés. C’est, de nos jours, une manifestation significative de ce que le sociologue Eric Maurin a appelé « Le Ghetto français » (Seuil 2004), celui des élites et de leur autoreproduction.

Le management des entreprises par leur valeur industrielle est un autre enseignement que nous laisse Georges Besse. La tradition d’une France d’ingénieurs, née de l’utopie scientifique et sociale saint-simonienne, a structuré notre économie depuis la seconde révolution industrielle – celle du chemin de fer en 1850 -jusqu’au TGV pompidolien, en passant par le nucléaire gaullien. Là encore, la donne a changé. L’alliance entre les ingénieurs dirigeants d’entreprise et leurs cadres, forme de contrat social, a cédé la place à une communauté d’intérêts entre les dirigeants et leurs actionnaires, souvent obnubilés par une vision court-termiste liée aux mouvements boursiers. La France, après la Grande-Bretagne, est le théâtre d’une importante désindustrialisation, notamment par concentration et délocalisation des emplois des grandes entreprises. Pour se limiter à des entreprises qu’avait connues Besse – mais d’autres exemples viennent naturellement à l’esprit : que reste-t-il sur le sol français d’une entreprise comme Pechiney ? Comment un tel fossé s’est-il creusé entre dirigeants et cadres dans une entreprise telle que Renault ? Dans une économie hypermondialisée, affichant d’énormes différentiels de coûts de production, il apparaît nécessaire de repenser la place du secteur secondaire face à un tertiaire hypertrophié, et celle d’une vision industrielle des entreprises par rapport au « Kriegspiel » financier.

Il est une troisième réflexion à laquelle nous conduit Georges Besse, non par sa carrière cette fois, mais par les circonstances de sa disparition. En l’espace de deux ans, les terroristes d’Action directe ont pris pour cible, par ordre alphabétique, non des hommes politiques mais des hommes qu’ils considéraient comme représentants d’une « technostructure », ingénieurs polytechniciens notamment : l’ingénieur général René Audran (assassiné en janvier 1985), le dirigeant d’entreprise Guy Brana (tentative d’assassinat en avril 1986). Cette idéologie antidémocratique visant, dans ces cas avec passage à l’acte, une élite technique et industrielle prétendument détentrice du pouvoir effectif et manipulatrice de la classe politique, mérite réflexion : car elle reste d’actualité et s’est même répandue de nos jours, quoique édulcorée, dans des courants d’opinion beaucoup plus larges.

 

(Les Echos) Pierre Couveinhes est rédacteur en chef des « Annales des Mines ». Alexandre Moatti, auteur scientifique, est président de la Société des amis de l’histoire de l’Ecole polytechnique (Sabix).

 

 

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[Big Brother payera ses disques durs avec de la petite monnaie] 1984, combien ça coûte ?

Combien faudrait-il dépenser pour surveiller les communications et les échanges numériques d’un pays entier ? Pas bien cher, et surtout de moins en moins cher, selon une étude publiée par le think tank américain Brookings, reconnu pour son sérieux.

« La baisse des coûts du stockage va bientôt rendre l’archivage permanent des données collectées par des systèmes de surveillance réaliste pour des gouvernements autoritaires, détaille John Villasenor, auteur des travaux et chercheur spécialisé dans les technologies de capture de l’information. Dans des nations sans réel débat public, il n’y a aucune raison d’attendre des gouvernements qu’ils ne fassent pas usage de la possibilité de construire des bases de données contenant toutes les conversations téléphoniques et la localisation de toute personne et véhicule, ainsi que les vidéos de l’ensemble des espaces publics d’un pays. Tout ceci augmentera largement la capacité de régimes répressifs à surveiller les opposants […]. De plus, la connaissance de ce système de surveillance envahissant réduira la volonté des habitants d’engager des pratiques dissidentes. »

L’étude de Brookings commence par rappeler ce que l’on sait déjà : le stockage coûte de moins en moins cher. Stocker un gigabyte de données coûtait moins de 10 cents par an (7,5 centimes d’euros) aux Etats-Unis en 2010 , et le prix ne risque pas d’arrêter de baisser étant donné que les capacités de stockage augmentent en permanence selon la loi de Kryder, similaire à celle de Moore.



L’évolution du coût d’un gigabyte de 1980 à 2009.

Que met-on ensuite dans ces serveurs sans limites connues ? La localisation d’une personne ou d’un véhicule à un moment T se résume en 75 bits, nous dit Brookings. « Les informations sur la localisation d’un million d’individus, collectées toutes les cinq minutes, 24 heures par jour et pendant une année, tiennent en 1000 gigas et coûteraient 50 dollars (38 euros). Pour 50 millions de personne, cela coûterait moins de 3000 dollars (2295 euros). »

Même logique pour les communications téléphoniques : stocker toutes les discussions d’une personne ne demande aujourd’hui en moyenne que 3,3 gigabytes par an… « Le coût annuel, en monnaie de 2011, pour acheter assez d’espace de stockage pour enregistrer tous les appels passés en Syrie pendant un an va tomber à 250 000 dollars en 2016 (191 143 euros) et 25 000 en 2020 (19 114 euros). »

L’étude détaille également comment ce genre de surveillance assistée par ordinateur est déjà très concrète. Ainsi, comme le racontait un article du Wall Street Journal le 30 août, les libérateurs de la Libye ont découvert à Tripoli un centre de surveillance équipé par les firmes Amesys (groupe Bull, France), ZTE (Chine) et VASTech (Afrique du Sud). « Cet équipement permettait aux forces de sécurité libyennes d’intercepter et d’archiver 30 à 40 millions de minutes de conversations téléphoniques chaque mois et de lire régulièrement des emails échangés par des activistes. »

Brookings revient aussi sur la construction, qui doit être achevée dans les deux prochaines années, du réseau « Peaceful Chongqing », qui prévoit l’installation de quelque 500 000 caméras afin de couvrir 12 des 30 millions d’habitants de cette agglomération autonome proche du Sichuan – soit une zone 25% plus vaste que la ville de New york. « Cela correspondrait à une caméra pour 24 personnes, détaille l’étude. Si chaque caméra produit une moyenne de 3 megabytes d’images par seconde, le coût annuel du stockage des données serait d’environ 300 millions de dollars (230,08 millions d’euros) – ce qui serait aujourd’hui prohibitif. […] Mais en 2020, le prix du stockage, en haute résolution, de l’ensemble des vidéos captées par le réseau de Chongqing sera tombé à 3 millions de dollars par an (2,3 millions d’euros). Ce qui correspondrait à 25 cents (19 centimes d’euros) par personne et par an, une somme qui peut facilement être budgétée […] à travers une euphémique « taxe de sécurité publique ». »

Oui, tout ça est un peu flippant. Brookings montre à quel point ce qui tenait du roman d’anticipation est désormais faisable (et fait) si la vigilance citoyenne et démocratique échoue à contrôler les mauvaises intentions. Et les régimes autoritaires ne sont pas les seuls concernés. En attendant, le business est florissant : le marché mondial de la vidéosurveillance, à lui seul, a progressé de 10% de 2010 à 2011.

(ecrans.fr) Sophian Fanen

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[Vous reprendrez bien quelques milisiverts]

Nucléaire : 17.000 travailleurs sont intervenus à Fukushima

Départ pour la centrale

(Photo, travailleurs partant pour la centrale depuis le site de préparation à 20 km.)

17.780 travailleurs sont intervenus sur le chantier qu’est devenu la centrale nucléaire dévastée de Fukushima Dai-ichi.

 

Ce chiffre est issu du dernier bilan synthétique de l’état des réacteurs, des piscines de rétention des combustibles nucléaires et de l’avancée du chantier.

Selon la TEPCo  17.780 travailleurs y sont intervenus depuis mars dernier.  Un chiffre en hausse continue, puisqu’il était de 3.700 en juin dernier (lire cette note) dont 3.514 dont la dosimétrie était connue. puis de 10.700 travailleurs en septembre dernier (lire cette note). Cette évolution montre certes que l’activité sur le chantier est intense (stockage de l’eau contaminée, décontamination, netoyage du site, couverture intégrale du bâtiment du réacteur N°1 (photo à droite), refroidissement et surveillance des réacteurs détruits et des piscines,installation de systèmes de protection anti-tsunami, renforcement de structures anti-sismique…), mais aussi très probablement une « gestion par la dose » consistant à « répartir » la dosimétrie sur un plus grand nombre de personnes, ce qui constitue d’ailleurs une bonne manière d’affronter le problème.

Fin de la couverture du réacteur 1

Le suivi médical de ces 17.780 travailleurs, dont l’irradiation et la contamination ont été mesurés par différents systèmes (dosimétrie individuelle lors des opérations, anthropogammamétrie ensuite) indique les résultats suivants (il reste encore 109 travailleurs dont les résultats en termes de doses internes ne sont pas connus au 30 novembre) :

► 169 travailleurs ont reçu une dose supérieure à cent millisieverts.

Bilan 6 decembre

► Entre 100 et 150mSv: 139 travailleurs. Entre 150 et 200mSv: 21 travailleurs. Entre 200  et 250mSv: 3 travailleurs. Au delà de 250mSv: 6 travailleurs dont les doses vont de 309 à 678mSv. Ces 9 travailleurs au delà de 250 mSv ont tous reçu cette dose avant juin dernier.

Pour l’instant, la limite pour les travaux d’urgence adoptée par le gouvernement est de 250 mSv, mais elle devrait bientôt passer à 100 mSv.

L’évolution des doses les plus élevées montre que les Japonais sont parvenus à limiter la prise de risque depuis plusieurs mois. En juin dernier les chiffres résultants de ces analyses étaient les suivants : 124 personnes ont subi une dose supérieure à 100 millisieverts, dont 107 entre 100 et 200 mSv, 8 entre 200 mSv et 250 mSv, 9 plus de 250 mSv dont les deux plus élevées à 643 et 678 mSv. Autrement dit, les doses les plus élévées datent toutes d’avant juin. Ces chiffres sont tirés du document ci-contre à droite, cliquer dessus pour zoomer et le consulter (mais il est plus lisible et téléchargeable ici). On peut y lire également une présentation très synthétique de l’état de la centrale, et du chantier en cours.

Je note qu’il y a des contradictions dans les chiffres donnés en septembre qui ne montraient que 103 travailleurs au delà de 100 mSv, comme le 19 août d’ailleurs, mais il pourrait s’agir d’erreurs de retranscription, puisque le dernier chiffre donné, avec 169, redevient logique avec les chiffres de juin. (Photo ci-dessous intervention dans lebâtiment du réacteur N°1)

Intervention dans le réacteur n°1

Quels sont les risques sanitaires représentés par les doses subies ? Alain Rannou, spécialiste en radioprotection à l’IRSN, m’expliquait en juin dernier les connaissances issues de l’épidémiologie : «il n’y a pas de risque identifié de cancer en dessous de 100 mSv pour la leucémie et en dessous de 250 mSv pour les autres cancers radioinduits (pour les adultes, car pour les enfants la limite serait plutôt à 50 mSv). D’où la qualification de « faibles doses » de ces valeurs. Au delà, le risque monte en proportion de la dose reçue. Avec 0,5% de risque supplémentaire (par rapport à une vie sans exposition à cette radioactivité là et une population où le décès par cancer touche entre 25% et 30% des individus) pour 100 mSv, et, pour prendre l’exemple des deux personnes les plus exposées, 3% de risque en plus pour 600 mSv.» Le spécialiste avertit qu’il s’agit là d’une approche statistique valable uniquement pour les grands nombres. Elle ne dit rien des conséquences possibles, ou de leur absence, pour un individu particulier.

Opérateur système décontamination

Aujourd’hui, le travail sur le site exige toujours de très grandes précautions (combinaison jetables et parfois système respiratoire autonome), mais à des degrés très divers en fonction du lieu précis d’intervention.

Les bâtiments des réacteurs accidentés sont encore très dangereux, mais il suffit d’en être éloigné de quelques centaines de mètres pour que le niveau de radioactivité diminue rapidement. Le travail près des systèmes de décontamination de l’eau s’opère en combinaison intégrale, comme on le voit sur la photo à droite. A l’inverse, les techniciens interviennent en habits normaux dans la salle de contrôle des réacteurs 5 et 6.

Pour visualiser les conditions de travail sur le site, il est possible d’aller visionner les vidéos de la TEPCo (attention: il s’agit de documents entièrement sous le contrôle de cette entreprise, pas d’un travail journalistique d’information.)

► pour retrouver la chronologie de l’accident, rechercher dans cette catégorie.

Les dernières notes sur Fukushima :

Vidéo de la centrale et sondages nippons.

Nouveaux calculs sur l’émission radioactive.

Nouvelles analyses sur l’accident et l’état des réacteurs.

 

(sciences.blogs.liberation.fr) Sylvestre Huet, le 8 décembre 2011

 

La Hague et ses paradoxes nucléaires
La Hague

L’usine Areva de La Hague a fait parler d’elle… lors des négociations entre le PS et les Verts. Un vrai pataquès – avec effacement d’un paragraphe dans un texte pourtant déjà signé, puis explication de texte alambiquée pour un rétropédalage à toute vitesse – lire cette note, puis celle-ci qui racontaient cette histoire.

Pour apporter quelques explications techniques à cette histoire très politique, je suis allé pour Libération faire une petite visite à La Hague. Voici ci-dessous l’article publié hier dans Libération, avec des ajouts de textes et d’images qui ne pouvaient tenir dans l’espace accordé sur le papier. Ainsi que des liens pour des informations complémentaires.

«Tenez-vous à la rampe». Ce conseil émis sur un mode très directif est répété à chaque passage d’escalier, par Lionel Gaiffe, l’énergique directeur technique de l’usine de La Hague d’Areva aux visiteurs qu’il cornaque ce jour-là. Voudrait-il faire oublier que son établissement concentre l’essentiel de la radioactivité générée par les centrales nucléaires françaises ? Qu’on s’y livre à une chimie de haut vol, afin d’y séparer matières nucléaires – uranium et plutonium – des déchets radioactifs ultimes ? Voir dans le conseil du directeur une manœuvre de diversion serait une erreur. Tout juste un de ces paradoxes que porte l’usine de La Hague. Quatre paradoxes à percer pour saisir les dessous du pataquès entre le Parti Socialiste et Europe-écologie-les Verts dans l’ultime épisode de leurs négociations d’un accord électoral.

Le paradoxe de l’échec. Faire d’un échec cuisant, une activité industrielle durable. C’est le paradoxe central de l’usine de retraitement. A l’origine, elle doit moins répondre à l’exigence de «traiter» les déchets ultimes que d’anticiper une pénurie d’uranium. Il y a quarante ans, des ingénieurs – en France, mais aussi aux Etats-Unis, en Russie, au Japon – voient l’avenir du nucléaire avec des milliers de réacteurs «rapides». Car les réacteurs actuels, «à neutrons lents», ne fonctionnent qu’avec les 0,7% de l’isotope 235 de l’uranium naturel, d’où la crainte d’une pénurie et d’un prix trop élevé de l’uranium. Le reste, les 99,3% d’uranium-238 exigent des «réacteurs à neutrons rapides».

Chateau combustible irradié

Mais, pour les faire marcher, il faut du plutonium, en sus de l’uranium. Si un réacteur rapide peut produire plus de plutonium qu’il ne consomme en régime de croisière, il faut un stock initial. Il doit être extrait des combustibles usés des réacteurs lents où il représente 1% de leur masse. En outre, on récupère les 95% d’uranium encore composé d’environ 1% d’isotope 235, «réutilisé, après ré-enrichissement, pour un tiers en combustibles neuf, le reste est stocké à Pierrelatte», précise Dominique Mockly, directeur de «l’aval» du cycle du combustible chez Areva. (photo : « chateau » de transport de combustible usé).

Cette stratégie de long terme devait doter la France d’une indépendance en matières nucléaires grâce aux stocks de plusieurs centaines de milliers de tonnes d’uranium appauvri – celui qui reste lorsque l’on «enrichit» l’uranium naturel à 4% d’U-235 pour alimenter les réacteurs lents. Elle s’est écroulée puisque le nombre de réacteurs nucléaires dans le monde s’est arrêté vers 430. Et que le prix de l’uranium s’est effondré au rythme d’une offre satisfaisant largement les besoins et du démantèlement des armes nucléaires américaines et russes – l’équivalent de 150.000 tonnes d’uranium naturel, près de 5 ans de production.

Comment réagir à cette déroute ? Ce fut le Mox – combustible mixte où 8,5% de plutonium se combine à de l’uranium appauvri… selon le principe des combustibles prévu pour les «rapides» – mais que l’on peut utiliser dans les réacteurs « lents » avec cette proportion. Sans une once de retenue, voila donc les ingénieurs du nucléaire posant aux «écolos» puisqu’ils «recyclent» leurs déchets, comme le compost du jardin. Un langage publicitaire peu honnête, car le devenir réel des centaires de tonnes de plutonium des combustibles repose sur des décisions énergétiques – construire des réacteurs rapides – qui seront prises dans plusieurs décenniesou pas. Surtout que recycler le Mox en réacteurs lents n’est pas impossible, mais sa teneur accrue en plutonium-242 «dégrade» sa capacité à fissionner. Cette solution ne peut être que transitoire, en attendant ces hypothétiques réacteurs rapides – objet d’une recherche internationale et baptisés «génération-IV».

Usine-Melox

Pourtant, la séparation du plutonium pour le Mox (fabriqué à l’usine Melox de Marcoule, photo) est devenue la raison d’être de La Hague, avec plus de 26.000 tonnes de combustibles retraités.

Les clients ? 5.483 tonnes pour les Allemands «qui en recevront jusqu’en 2018», précise Mockly. Environ 700 tonnes pour les Belges et les Suisses, mais c’est fini. Quelques centaines pour les Pays-Bas et l’Italie. Les Japonais pour un peu moins de 3.000 tonnes mais personne ne sait ce qu’ils vont décider après la catastrophe de Fukushima.

Tout le reste est pour EDF qui a signé «un contrat allant jusqu’à 2040, mais les tonnages sont décidés tous les cinq ans» selon Mockly – date probable de «l’obsolescence des équipements actuels» ajoute Lionel Gaiffe. Aujourd’hui, environ 1.100 tonnes par an sont retraités (contre 850 tonnes ces dernières années), alors qu’EDF décharge en moyenne 1.200 tonnes de combustibles par an. Logique, car pour éviter de se retrouver avec du plutonium «sur étagère», ne sont retraitées que les quantités correspondant aux Mox commandés par EDF. Du coup, les piscines de La Hague sont à quelques années de la saturation, même s’il existe des solutions techniques pour retarder la nécessité d’en construire d’autres.

Bâtiment des déchets vitrifiés Le paradoxe de l’enfer nucléaire. «Dans un de ces puits, nous glissons 9 conteneurs de déchets vitrifiés, soit six mois de fonctionnement d’un réacteur de 900 MW d’EDF.» Lionel Gaiffe se trouve alors dans une des salles où sont entreposés les «déchets ultimes» (photo).

Fondus dans des matrices de verres, les produits de fission (césium, strontium…) et les actinides mineurs (neptunium, américium, curium) constituent l’enfer nucléaire forgé par les réacteurs des centrales. Seulement 4% du combustible usé, mais enfer nucléaire puisque la radioactivité de ces cylindres de verres d’1,30 m sur 40 cm de diamètre se compte en pétabecquerels (un péta c’est un million de milliards).

Pourtant, on se déplace sans protection radiologique sur un plancher de béton de deux mètres d’épaisseur, seule protection contre le dit enfer (photo ci dessus). Ces déchets porteurs de tous les mythes et discours apocalyptiques – ils vont «empoisonner la Terre pour des millions d’années», s’alarment les opposants – n’exigent pour leur refroidissement (500°C au cœur, 300°C en surface) qu’une circulation d’air, forcée ou générée par les écarts thermiques entre haut et bas du bâtiment.SchemaVitrification

Si ces déchets vitrifiés sont terriblement irradiants, ils sont inertes, «sans contamination, et seraient capables de défier les centaines de milliers d’années, comme leurs analogues naturels (des obsidiennes) enfouis à -500 mètres dans la couche d’argile de Bure si le parlement le décide». Lionel Gaiffe se plaît à opposer la «solution de La Hague» à la situation américaine. «Ils ont dépensé autant voire plus d’argent que nous, et se retrouvent avec leurs combustibles usés et aucune solution de gestion des déchets».

Cette «solution» suppose la manutention des déchets vitrifiés. Qui n’est pas sans défaut, puisqu’un conteneur a échappé à la pince du robot qui les dépose au fond des trous. Une autre fois, c’est le «bouchon» du trou qui a été oublié. Dans le futur stockage géologique, il faudra s’assurer contre de tels défauts, construire une «chaîne» garantissant que l’irradiation sera toujours sous cloche, jusqu’au dépôt dans une alvéole creusée dans la roche.

Le paradoxe chinois. Avant la catastrophe de Fukushima, le discours était à la renaissance du nucléaire. Boostée par l’appétit féroce de la Chine, où se construisent 27 des 64 réacteurs nucléaires en chantier dans le monde, l’industrie nucléaire se voyait «roi du pétrole» du 21ème siècle. Huit mois après Fukushima, Areva se fait sermonner par le gouvernement pour une menace de suppressions d’emplois. Mais l’industrie nucléaire doit-elle se préparer à un nouvel «hiver», comme pour les 20 ans post-Tchernobyl ? Pas certain.

Certes, l’Allemagne et plusieurs petits pays européens ont annoncé leur «sortie du nucléaire». Mais le gouvernement britannique n’a pas abandonné ses projets. Les Etats-Unis hésitent. Ils ont gagné quelques années avant de décider ou non de renouveler leurs centrales nucléaires en raison de leurs ressources en gaz non conventionnel. En août 2011, la Tennessee Valley Authority engageait près de 5 milliards de dollars pour finir la construction de la centrale nucléaire de Bellafonte. Le tabou du retraitement, posé par la «doctrine Carter» a sauté, avec la construction d’une usine de fabrication de Mox… à partir du plutonium militaire issu du démantèlement des armes nucléaires. En Russie, en Chine, aucun signal de renoncement aux ambitieux plans pour l’énergie nucléaire. Même climat en Inde.

Surtout, Areva négocie avec la Chine – en position favorable grâce à son monopole technologique – un contrat de «plusieurs milliards d’euros», glisse Mockly, pour la construction d’une usine de retraitement et d’une autre de fabrication de Mox. Le principe en serait acté, y compris le non-transfert de technologie sur certaines «boites noires» du procédé, plus pour des raisons commerciales que de non-prolifération militaire, puisque, de toute façon, la Chine possède déjà la bombe atomique.

Salles de controle Le paradoxe de la sécurité. Si le potentiel de radioactivité de l’usine est énorme, les mesures de radioprotection sévères, les accidents du travail les plus fréquents sont… «les chutes de plain-pied», assure Gaiffe.

Le visiteur ne risque pas d’oublier qu’il côtoie le risque nucléaire. L’accès aux zones contrôlées se fait après passage au vestiaire où l’on ne conserve que son caleçon. Chaque entrée s’effectue par un sas. Chaque sortie exige un contrôle de radioactivité sur les mains et les pieds, ou le corps entier. Cet arsenal est efficace, assure l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. En 2010, pour les 3.163 personnes du retraitement des combustibles, la dose moyenne se limite à 0,04 millisievert durant l’année. La plus faible de toutes les activités nucléaires (fabrication du combustible, réacteurs d’EDF, enrichissement de l’uranium…). La raison ? Procédés et manutentions se déroulent en milieux confinés, par des systèmes automatisés pilotés depuis des salles de commandes éloignées de la radioactivité

.Atelier de déchargement

Les contre-exemples n’affaiblissent pas le paradoxe. Les salariés des entreprises prestataires reçoivent des doses cinq fois plus élevées selon le rapport de 2008 (0,24 millisieverts par an) ? Certes, mais c’est 10% de la radioactivité naturelle. Les accidents de radioprotection ? Survenus en 2002, 2006, 2008, 2009, ils sont rares et de faible intensité radiologique. Le plus controversé ? En 2006, lorsque deux techniciens nettoient une cuve à l’arrêt depuis 1998. Défaut d’organisation ? Mauvaise préparation ? Non-port de masque ? Une instruction judiciaire est en cours pour «blessures involontaires». La manière dont cet accident a été géré par la hiérarchie de l’entreprise montre toutefois une incapacité récurrente à traiter ce genre d’accident.

Lorsque la nuit tombe sur l’usine, on aperçoit un halo lumineux vers le sud. C’est le chantier de l’EPR de Flamanville. «L’EPR peut fonctionner sans Mox, mais si on le charge à 100% de Mox, c’est l’équivalent de ce que l’on met dans 5 des 20 réacteurs 900 MW actuellement utilisés pour ce combustible», précise Mockly. On comprend mieux l’acharnement d’Areva à le défendre: si des EPR remplacent, même à raison d’un pour trois, les réacteurs qui seront arrêtés d’ici 2025 selon la proposition de François Hollande, c’est l’assurance-vie de son usine normande pour les décennies à venir. Sinon, il faudra que le « moxage » des réacteurs toujours en service soit décidé.

En tous cas, personne n’imagine que les réacteurs rapides ne soient en service avant 2040/2050. Et leur construction ne pourrait se faire que petit à petit. Une telle stratégie énergétique sur largement plus d’un demi-siècle est-elle discutable et décidable, ou refusable, dans un débat politique scandé par des élections quinquennales ? Quelle que soit la décision, c’est là un défi assez redoutable.

(sciences.blogs.liberation.fr) Sylvestre Huet, le 22 décembre 2011

 

Fukushima: 40 ans de travaux pour démanteler la centrale
Le gouvernement japonais a décrété, vendredi, l’état d’arrêt à froid des réacteurs accidentés de la centrale nucléaire. Une étape qui marque la stabilisation du site et ouvre la période de préparation du démantèlement.

Vue partielle de la centrale de Fukushima Dai-ichi, le 12 novembre 2011 à Okuma, au Japon.

Le démantèlement de la centrale accidentée de Fukushima s’étalera sur une durée de 40 ans, compte tenu de l’état désastreux du site et des techniques nouvelles nécessaires, a prévenu mercredi le gouvernement japonais en présentant un échéancier de travaux.

«Le travail se fera en plusieurs étapes», a expliqué Goshi Hosono, ministre de l’Environnement chargé de l’accident.

Le retrait du combustible usé des piscines de désactivation devrait débuter dans deux ans (pour le réacteur 4) et durer plusieurs années pour être totalement achevé. Durant ce délai seront également renforcés les systèmes de refroidissement pour les réacteurs et piscines ainsi que les diverses installations.

L’extraction du combustible fondu dans les réacteurs 1 à 3 sera mise en oeuvre dans dix ans, et durera plus de deux décennies. Le traitement des eaux contaminées accumulées sur le site et stockées dans des réservoirs devra aussi être terminé dans ce laps de temps.

Pour toutes les tâches, des techniques nouvelles seront nécessaires, selon le ministre de l’Environnement, la situation à Fukushima étant inédite, avec des bâtiments détruits, un niveau de radioactivité élevé et du combustible tombé en tout ou partie sur le plancher de béton de l’enceinte de confinement dans trois réacteurs sur les six du complexe. «La récupération des débris du combustible va être extrêmement difficile. Cela va exiger des moyens techniques particuliers et, sans robots, une telle opération sera impossible», a pour sa part commenté un directeur-adjoint de Tepco. «Nous allons travailler avec des entreprises japonaises et étrangères», prévoit un autre responsable de Tepco. «Il est en effet souhaitable que se nouent des coopérations internationales, les Etats-Unis, la France et d’autres pays étant prêts à aider les Japonais dans cette opération délicate», a indiqué à l’AFP un expert français du secteur.

Un groupe spécial de recherche et développement doit se pencher rapidement sur les besoins nécessaires.

«Effectuer les travaux sans générer de nouveaux risques»

Le démantèlement du site ravagé par le séisme et le tsunami du 11 mars dans le nord-est de l’archipel ne sera en conséquence pas achevé avant environ 40 ans, prévoit l’Etat. «Nous devons effectuer ces travaux en évitant de générer de nouveaux risques», a pour sa part insisté le ministre de l’Industrie, Yukio Edano. «Nous avons défini à chaque étape les critères décisifs pour la suite des travaux, ce sont des éléments très importants pour l’avancement du calendrier», a renchéri son collègue de l’Environnement.

Le gouvernement japonais a décrété, vendredi dernier, l’état d’arrêt à froid des réacteurs accidentés de la centrale de Fukushima, une étape importante qui marque la stabilisation du site et ouvre la période de préparation du démantèlement. L’état d’arrêt à froid, qui signifie le maintien de la température à l’intérieur des réacteurs sous 100 degrés Celsius et le contrôle des émissions radioactives, était un des objectifs clefs de «l’étape 2 du plan de travail» établi par la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco) dans le but de venir à bout de cette catastrophe.

Parallèlement au démantèlement progressif, les autorités vont devoir s’occuper des alentours contaminés et de la population évacuée.

(AFP)

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[Taxi 3] Ces effarants convois de missiles nucléaires

Révélations: l’enquête judiciaire sur un accident tenu secret sur la base aérienne 125 d’Istres révèle des défaillances et des dérives graves dans le transport routier de munitions stratégiques.

Un semi-remorque de munitions stratégiques qui se renverse dans une base aérienne. L’accident donne froid dans le dos. Sa révélation un an et demi plus tard stupéfie. Autant que les conclusions accablantes de l’enquête judiciaire qui dévoile une succession de négligences et de dérives graves, facilitées par une carence de contrôle du commandement militaire.
Tout démontre qu’une routine, un effarant relâchement des personnels insuffisamment formés et fortement sollicités ont pris le pas sur le respect absolu des protocoles de sécurité encadrant la logistique des munitions nucléaires convoyées par la route à un rythme soutenu en 2010.

Trois militaires blessés

A l’origine de ces constats inquiétants, un accident tenu secret, survenu le 9 juin 2010 sur la base aérienne 125 d’Istres, avec un vrai bilan humain : trois militaires blessés dont un très grièvement. Leur ensemble routier qui était parti en fin de nuit de la base aérienne 702 d’Avord (Cher) ne transportait à ce moment-là pas d’ogive nucléaire.
L’événement nous est révélé furtivement avec la comparution prochaine du chauffeur devant le tribunal correctionnel de Marseille. Ce caporal-chef de 28 ans sera jugé le 16 janvier prochain en chambre militaire pour « blessures involontaires », « mise hors service d’un matériel à l’usage des forces armées » et « violation de consignes ».
Le préjudice dont l’armée veut le rendre responsable est colossal. A la mesure du caractère exceptionnel de ce VSRE (véhicule spécial renforcé) mis hors d’usage. Les Forces aériennes stratégiques ont chiffré sa perte à 50 millions d’euros.

« Les missions passent en premier, la sécurité des personnels ensuite », accuse un mécanicien de l’air. DR

« Les missions passent en premier, la sécurité des personnels ensuite », accuse un mécanicien de l’air.

Un jogger surgit près du « bâtiment K »
Ce mercredi-là, après un long périple autoroutier de près de 600km qui l’a conduit par Bourges, Lyon, Macon, Orange, l’engin dont les enquêteurs ignoraient jusqu’à l’existence de son unité secrète de rattachement – l’escadron de soutien technique spécialisé – se présente à l’entrée de la base aérienne 125 d’Istres. A son bord, trois hommes de l’ombre à l’anonymat désormais protégé (lire ci-contre) : deux chauffeurs et un chef de bord et de sécurité.
Le monstre bleu de 33 tonnes et 585 CV roulait à vide, nous assure-t-on car il venait en remplacement d’un blindé tombé en panne. Tout au long de l’année 2010, des convois soutenus se sont dirigés vers le très secret « bâtiment K » de la base, un des 4 dépôts stratégiques de munitions nucléaires de l’Hexagone. Il est même regardé comme le plus important. C’est là, dans des galeries souterraines, que sont stockés en particulier les derniers missiles ASMP-A dédiés aux Mirages 2000-N et bientôt aux Rafales F3.
Les catastrophes sont toujours un enchaînement diabolique de défaillances. Ici, le VSRE roule bien trop vite quand à 14h45 un coureur surgit sur le côté dans un virage. Oui, un coureur en short et gros Marcel qui fait même rire l’équipage. « J’ai remarqué la présence d’un jogger courant sur ma voie de circulation mais à contresens. J’ai dû me déporter sur la gauche. J’ai vu dans le rétroviseur la remorque se soulever », explique le chauffeur affecté depuis peu à la conduite de ce blindé. Il tente bien de freiner sur 67 mètres mais ripe sur 21 mètres et se renverse sur le bas-côté.

« Un manque total de contrôle »

Bien que blessés, lui et son supérieur parviennent à s’extraire par une trappe de secours. Le second chauffeur reste bloqué dans la cabine. Il sera héliporté sur l’hôpital Nord avec deux vertèbres cervicales fracturées et restera alité durant six mois. Le plan de crise est activé sur la base. Des officiers de sécurité nucléaire et du renseignement militaire bouclent aussitôt la scène et encadrent les gendarmes de la base pour que leurs investigations ne laissent rien filtrer de top-secret.
Le bavard dans l’histoire, c’est le disque tachygraphe. Le mouchard révèle que le camion roulait à 72km/h au lieu des 30 imposés ; qu’entre Avord et Istres, le chauffeur a fait une pointe à 105km et 10 jours avant à 120km/h ! Alors même qu’un dispositif bride le moteur à 80km/h que seul le chef de convoi peut désactiver en situation de crise. Les enquêteurs vont de surprise en surprise : « Les personnels ont connaissance d’une technique de neutralisation du limitateur de vitesse sans briser le plomb de protection », sidère le rapport qui laisse pantois sur la « conduite sportive » de ce jeune militaire parfois « indiscipliné » mais dont le « comportement irresponsable » a été facilité par « un manque total de contrôle de la part de la hiérarchie ».
Ce n’est pas fini. Leur formation est insuffisante. Pour prendre le volant du Scania blindé, un simple permis semi-lourd (!) suffit en plus d’un solide parrainage, d’une qualification TMD7 (transport de matières dangereuses radioactives) et de l’habilitation au « secret défense ».

Après l’accident, la promotion du chauffeur !
Un laxisme qui a fait bondir l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND). Car les chauffeurs n’ont pas reçu de « véritable formation adaptée à la conduite de cet ensemble routier en situation normale et dégradée », une absence qui « a induit des dérives dans le comportement de conduite des chauffeurs de l’Escadron ». En garde à vue, les chauffeurs vont parler de leurs « temps de pause ou de repos non respectés dans les manœuvres de chargement et de déchargement des colis sensibles ».
En vérité, le jeune chauffeur poursuivi est un mécanicien de l’air, simple « conducteur routier » qu’on situe au grade de caporal en juillet 2009. La Marseillaise est en mesure d’affirmer que par un singulier tour de passe-passe, quinze jours à peine après ce singulier crash à 50 millions d’euros, la direction des ressources humaines de l’Armée de l’air s’est empressée de lui décerner « par équivalence » le brevet élémentaire de technicien de « conducteur grand routier de transport de fret » avec… effet rétroactif au 1er mars 2010 ! Sa promotion signée rien que pour lui par délégation du ministre est vite glissée pour parution au 25 juin 2010 du Bulletin officiel des Armées. On découvre que le chauffeur est désormais caporal-chef. L’Armée de l’air ne manque vraiment pas d’air. Les juges apprécieront. A se demander si le semi-remorque était vraiment vide ?

« Le camion s’est bloqué à nouveau »
L’ensemble routier connaissait aux dires des mécaniciens des problèmes sur son système de frein : « La veille, j’avais fait actionner les freins à trois reprises et l’ensemble routier s’était mis en défaut d’air », affirme un chauffeur. « Nous avons failli avoir un accident à plusieurs reprises », ajoute un autre qui révèle un incident précédent lors d’un convoi à destination de Valduc, le site de construction des têtes nucléaires en Bourgogne. Il avait fallu pincer une durite qui fuyait pour accomplir les derniers mètres : « Nous avons réussi à arriver jusqu’au premier portail du centre spécial militaire de Valduc. Le camion s’est bloqué à nouveau. Nous n’arrivions plus à ouvrir les portes du tracteur. (…) Cela n’a pas empêché de faire partir une mission en ne sachant pas l’origine réelle de l’accident. » Et ce genre de convoi a traversé allègrement la France… La Dépêche du Midi a d’ailleurs publié récemment le cliché (ci-dessus) d’un convoi sur l’A61.
« Les missions passent en premier, la sécurité des personnels ensuite », accuse un mécanicien de l’air qui note que le commandant ne s’est même pas déplacé au chevet du chauffeur le plus blessé. Auditionné, le Pacha de l’escadron de transport de matériels spécialisés, un lieutenant de 37 ans, a reconnu que depuis le début de l’année 2010 « le plan de charge est devenu très difficile », « le nombre de missions a augmenté avec des déplacements à un rythme très soutenu parfois jusqu’à 3 à 4 semaines de missions à la suite (…) rythme fatiguant compte tenu des spécificités de ce transport ».
« La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires », a écrit Clémenceau. S’agissant de la justice militaire, elle est confiée depuis 1982 à des magistrats civils. Mais il se pourrait bien que d’ici le 16 janvier prochain, la « grande muette » ne fasse tomber le rideau du huis clos sur ce procès.

« Il s’est passé des choses inacceptables »
Joint par téléphone, le nouveau Délégué à la sûreté des installations nucléaires de Défense (DSND), Bernard Dupraz, reconnaît l’anormalité de la situation.
« Il s’est passé des choses inacceptables avec ce véhicule spécialisé qui circulait à vide. La DSND est intervenue au titre du retour d’expérience qui est permanent mais vous comprendrez que nous sommes dans le domaine des transports de colis spéciaux et que le contenu des enseignements est donc classifié. Ce que je peux dire, c’est que depuis, je n’ai eu connaissance d’aucun aléas qui ait mis en cause la sécurité des transports de munitions nucléaires », veut rassurer celui qui veille depuis mai dernier au respect de la réglementation sur la sécurité des professionnels civils et militaires travaillant sur les sites de dissuasion nucléaire.
Contacté par le biais de sa cellule « affaires nucléaires », le ministère de la Défense n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.
Faut-il y voir une conséquence de l’accident ou bien la perspective du procès ? Le Journal officiel a publié un arrêté ministériel du 7 avril 2011 qui ajoute un escadron jusque-là inconnu à la liste des unités militaires dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat des personnels : l’Escadron de transport de matériels spécialisés 91.532. Celui de l’accident.
Ce corps, qui convoie pour le compte du Commissariat à l’énergie atomique les éléments de munitions nucléaires par la route, ne figurait jusqu’alors dans aucun organigramme. La base aérienne 702 d’Avord (Cher) qui l’abrite l’avait sorti des écrans radar. Il n’existait officiellement pas. L’arrêté ministériel signé par Gérard Longuet sort des limbes cette unité secrète pour aussitôt faire rentrer dans l’anonymat ses personnels, à l’exception de son commandant.

(La Marseillaise)DAVID COQUILLE


Quand les convois nucléaires roulent trop vite… (actualisé)

Le quotidien La Marseillaise révèle l’accident d’un camion de l’armée de l’air destiné au transport des têtes nucléaires. Excès de vitesse !

Quand les convois nucléaires roulent trop vite... (actualisé)

Cela ressemble à un banal accident de poids-lourds. Un camion roule trop vite et, pour éviter un joggeur, se décale brutalement vers la gauche, freine, dérape et se renverse sur le bas-côté. Le véhicule est hors d’usage. A bord, trois personnes : deux sont légèrement blessées mais le troisième, un chauffeur au repos, a deux vertèbres fracturées et restera allité pendant six mois. Problème : le véhicule en question est destiné au transport des ogives nucléaires ! Heureusement, il n’en tranportait pas à ce moment là…

L’accident s’est déroulé le mercredi 9 juin 2010 sur la base aérienne BA 125 d’Istres et il avait, jusqu’à présent, été tenu secret. C’est le quotidien de gauche La Marseillaise qui le révèle aujourd’hui, sous la plume de David Coquille. Parce que l’affaire va venir très prochainement en justice. Le caporal-chef de 28 ans, qui conduisait le camion, sera jugé, le 16 janvier prochain, par la chambre militaire du Tribunal correctionnel de Marseille pour « blessures involontaires », « mise hors service d’un matériel à l’usafge des forces armées » et « violation des consignes« . Selon toute vraisemblance, l’audience devrait se dérouler à huis-clos.

Car elle met en cause une unité dont l’existence même a été révélée publiquement il y a quelques mois. Nous racontions alors sur ce blog comment un décret paru au JO sur l’anonymat de certains personnels militaires nous avait permis d’apprendre l’existence de l’Escadron de transport de matériels spécialisés ETMS 91.532. Comme nous l’écrivions alors « cet ETMS, basé à Avord, est une unité de l’armée de l’air en charge du transport routier des armes nucléaires. « Spécialisé », dans le jargon militaire, veut dire « nucléaire » ! Ce sont les véhicules et les hommes de cet escadron discret qui transportent les éléments des armes entre l’usine CEA du Valduc (Cote d’Or), les « bâtiments K » (ex-DAMS, dépôts ateliers de munitions spéciales) des bases aériennes et l’Ile Longue, dans le Finistère. Cette unité est tellement discrète qu’elle ne figure pas sur la liste des unités accueillies par la BA 702 d’Avord (Cher). »

Les camions utilisés pour cette mission très particulière  (VSPE – Véhicule spécial renforcé) sont des Scania blindés pesant 33 tonnes, avec un moteur de 585 cv. Leur prix unitaire serait de 50 millions d’euros, selon les FAS, citées par le journal. [Ce prix semble considérable. 5 millions serait déjà beaucoup]

L’accident du 9 juin 2010 s’est déroulé alors que le VSPE circulait sur la base aérienne d’Istres, en provenance d’Avord – d’où il était parti le matin même. Selon le tachygraphe (enregistreur de vitesse), il roulait à 72 km/h au moment de l’accident, alors que la vitesse sur la base est limitée à 30. Pire, l’enregistrement a révélé que le camion avait fait une pointe, le matin même, à 105 km/h et quelques jours auparavant à 120 km/h. Or, ces camions sont en principe bridés à 80 km/h. Certes, « en cas de situation de crise », le chef de convoi peut désactiver ce système, mais il apparait que les équipages connaissent un moyen mécanique de « neutraliser le limitateur de vitesse »…

Il semblerait que le conducteur mis en cause n’ait pas eu alors toutes les compétences nécessaires. En effet, ce caporal mécanicien s’est vu attribuer « par équivalence » et quinze jours après l’accident le « brevet grand routier de transport de fret »… avec effet rétroactif comme en témoigne le Bulletin officiel des armées du 25 juin 2010.

L’autorité de sûreté nucléaire de la défense estime qu’il n’ya « pas de véritable formation adaptée à la conduite de cet ensemble routier » et constate des « dérives dans le comportement ». D’autant que le camion incriminé avait déjà eu des ennuis techniques notamment avec ses freins. Il avait rencontré des problèmes lors d’une mission à Valduc (21). Le lieutenant qui commande l’ETMS reconnait que « le plan de charge est difficile » et que le « nombre de mission a augmenté ».

Quant au Délégué à la sureté nucléaire de la défense (DSND), Bernard Dupraz, il estime qu’ « il s’est passé des choses inacceptables ». On ne saurait mieux dire.

Actualisé : Interrogé par Secret-Défense lundi matin, le général Philippe Pontiès, porte-parole du ministère de la Défense, ne nie pas les faits, mais constaste qu’il s’agit d’ « un accident de la route classique mais qui implique un véhicule destiné au transport d’armes nucléaires ». En effet, le jour de l’accident, du à une « faute individuelle« , le camion ne transportait pas de chargement sensible. « Ce type de transport est extrêmement reglementé » explique le général, « ainsi les convois sont escortés par des unités spécialisées de la Gendarmerie« . Par conséquent, la vitesse est surveillée en permanence par les gendarmes. Rappellant qu’il n’y a jamais eu d’accident depuis 1964, le général Pontiès reconnait que « des leçons seront tirées de cet accident et que les procédures pourront être adaptées« .

Mon commentaire : le partisan convaincu de la dissuasion nucléaire (et du nucléaire en général) que je suis ne peut faire comme si le consensus sur ces questions étaient toujours le même qu’il y a vingt ans. Le soutien de l’opinion est une priorité absolue – c’est même une question stratégique. Lorsque des incidents, si banals puissent-ils sembler, se produisent, le public doit avoir la certitude qu’on ne lui cachera rien. Ainsi, on a su que deux SNLE français et britanniques s’étaient percutés dans l’Atlantique. Même les meilleurs systèmes – et le notre est excellent – peuvent avoir des failles : on a vu un bombardier nucléaire américain traverser les Etats-Unis avec une vraie bombe en soute… sans le savoir. Dans un régime démocratique comme le notre, sans cette transparence,la légitimité du nucléaire se trouvera rapidement mise en cause.

(Secret Defense)

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[Les bibliothécaires contre le progrès] Les puces RFID pas encore efficaces selon un bibliothécaire

La technologie RFID (Radio Frequency IDentification) de plus en plus utilisée dans les bibliothèques ne serait pas la révolution que l’on attendait selon un bibliothécaire parisien. En 2008, cette technologie avait été d’abord mise en place dans trois bibliothèques parisiennes (la bibliothèque du cinéma François Truffaut, la bibliothèque Chaptal et la médiathèque Marguerite Yourcenar) avant d’être étendue à d’autres.

Le principe est simple : on colle une puce qui émet des radiofréquences sur un livre. Ce dispositif couplé a des automates et des logiciels devaient rendre la vie des bibliothécaires plus simple et leur permettre de passer plus de temps auprès des usagers.

Seulement voilà, trois ans après la mise en place de ce système, notre bibliothécaire parisien n’en dresse pas un portrait des plus avantageux.
La présence d’étiquettes qui ne contiennent aucune information (alors qu’elles sont censées regrouper le code-barre et l’antivol du livre), les problèmes de gestion des documents multiples (livre + CD + DVD par exemple) les puces RFID peineraient à vérifier la complétude de tels documents, l’impossibilité d’intégrer la RFID au système de gestion des bibliothèques (SIGB), les inventaires à la volée (c’est à dire sans toucher aux documents) ne fonctionnent pas, et enfin les étiquettes sont plus grosses que des antivols magnétiques.

D’autre part, il affirme qu’il est tout de même nécessaire de bloquer du personnel pour expliquer le fonctionnement des automates et gérer les problèmes (et autres bugs) avec les usagers. Il suppose aussi, même s’il avoue ne pas connaître les chiffres exacts, que mettre en place le système RFID et en faire la maintenance coûte cher. Et de soulever qu’une puce RFID est bien plus fragile et plus nocive pour l’environnement (présence d’un circuit intégré) qu’un code-barre imprimé.

S’il a déjà rédigé un bilan sur cette question qu’il espère pouvoir rendre public (notamment via la BBF), il ne s’attend pas à voir les choses bouger de si tôt. « C’est une question d’idéologie » nous a-t-il confié, expliquant que personne ne s’élèvera contre la RFID parce que ça fait « moderne » .

Il estime aussi que la RFID permettrait d’employer moins de fonctionnaires, constatant qu’il y a eu de nouveaux établissements, une augmentation du nombre de prêts, mais une masse salariale « plutôt stable ». En période de crise et avec la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la RFID serait bien pratique.

On pourra trouver une version raccourcie du bilan de ce bibliothécaire sur le blog Social Nec Mergitur ! Les différentes bibliothèques parisiennes contactées par ActuaLitté n’ont pas tenu à évoquer officiellement la question de ces puces…

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[Un de moins] Décès de Charlie Walton, le père de la technologie RFID

Cette semaine, on a appris le décès de Charlie Walton survenu le 6 novembre à Los Gatos en Californie.

Il a développé la technologie RFID d’identification par radiofréquence.

Celle-ci a trouvé des applications concrètes : ouverture d’une porte avec un badge, détection des objets en passe d’être volés dans les magasins, suivi de colis par les compagnies de transport…

Le marché du RFID se porte bien puisqu’en 2011, il devrait générer 6 milliards de chiffre d’affaires dans le monde, selon ABI Research.

La radio-identification (RFID pour Radio Frequency IDentification) utilise les ondes radio qui permettent d’identifier un objet flanqué d’une radio-étiquette. Cette dernière est composée d’une puce et d’une antenne. Un lecteur lit l’information et peut écrire sur certaines d’entre elles.

Il existe des étiquettes actives qui doivent être alimentées électriquement et d’autres dites passives. C’est le lecteur qui fournit l’énergie nécessaire à leur fonctionnement.

Walton aura travaillé dans les laboratoires de recherche d’IBM à partir de 1960. Il fonde ensuite sa propre compagnie, Proximity Devices, en 1970.

Il présenta la technologie RFID au comité de direction de General Motors qui ne fut pas séduit, ce qui ne l’empêcha pas de poursuivre son travail sur le RFID.

Sa première application fut une carte RFID passive capable d’être activée dans un rayon de 10 centimètres autour du lecteur.

Enfin, le succès lui sourit en 1980 lorsqu’il développe une version numérique de puce RFID capable de modifier les données de la carte. Et surtout, c’est la baisse du prix de revient qui permet l’adoption massive de sa technologie.

Malgré ses multiples brevets, il ne toucha plus de royalties de la technologie RFID au milieu des années 90. Ceux-ci tombent dans le domaine public 17 ans après avoir été déposés.

Avec l’avènement de la technologie sans fil NFC (Near Field Communication) compatible avec le RFID (plus précisément avec la Mifare de Philips, la FeliCa de Sony et en partie avec le B utilisé en France), cette dernière a de beaux jours devant elle.

(itespresso.fr) Rénald Boulestin

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