INTERVIEW – Anne Beauchet, technicienne au laboratoire de police scientifique d’Ecully, explique à «20 Minutes» comment cette technologie donne de plus en plus de résultats…
Lundi, le procureur de la République d’Amiens, dans la Somme, a révélé une avancée dans l’affaire Elodie Kulik: plus de dix ans après le viol et le meurtre de cette jeune banquière, son violeur a été confondu par son ADN. Le même jour, le procureur général de la cour d’appel de Dijon annonçait que les résultats des analyses ADN demandées par les parents de Grégory Villemin, 27 ans après l’assassinat de l’enfant, étaient «négatifs».
Entre ces deux dossiers, un point commun: plusieurs années après les faits, les enquêteurs se servent des analyses ADN pour avancer vers la résolution de l’affaire. Anne Beauchet, technicienne au laboratoire de police scientifique d’Ecully, explique à 20 Minutes quelles évolutions technologiques on peut encore attendre en la matière.
Quelles sont aujourd’hui les possibilités en matière de prélèvement d’ADN?
Actuellement, on réussit à prélever de l’ADN à partir de sperme, de sang, de salive, d’éléments pileux ou encore de «cellules de contact» -dues à la transpiration, à la desquamation de la peau sur les objets que l’on touche. Aujourd’hui, nous avons besoin de 16 marqueurs génétiques pour établir un profil complet. Cependant, les «kits ADN» qui sont aujourd’hui développés par les fabricants nous permettent de le faire avec seulement 12 marqueurs. Depuis environ deux ans, les nouveaux kits sont de plus en plus sensibles, même sur de l’ADN très dégradé, et cela ne va aller qu’en s’améliorant.
Va-t-il y avoir de nouvelles avancées technologiques dans les années à venir, selon vous?
Bien sûr. La technologie va continuer d’évoluer, et devenir de plus en plus performante. Plus les kits vont être sensibles, plus on va obtenir de résultats. De plus, les traces sont conservées par la justice jusqu’à 40 ans. Il est donc possible que les kits continuant d’évoluer dans ce laps de temps, on parvienne un jour à résoudre ces affaires.
Il faut ajouter que cette amélioration des résultats passe également par une augmentation du nombre d’entrées dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Le législateur a augmenté le nombre d’infractions qui amènent à un fichage de l’empreinte génétique. Cela permet également de résoudre des crimes anciens. Il y a trois ans, un violeur en série, qui avait fait déjà 18 victimes, a ainsi pu être arrêté: il avait été fiché après un vol. Mais attention, ce n’est pas non plus la bonne solution de ficher les gens dès la naissance.
Est-ce que, au vu de cette évolution technologique, l’ADN est LA solution miracle pour démasquer les criminels?
Non, ce n’est pas la solution miracle. Ce n’est pas parce que nous découvrons un ADN sur un mégot retrouvé sur une scène de crime que cela signifie que la personne à qui appartient cet ADN est l’auteur du crime. La preuve doit toujours être remise dans son contexte. Surtout, certains criminels sont très doués pour brouiller les pistes. L’un d’eux avait par exemple récupéré dans le hall de son immeuble un préservatif usagé qu’il a placé sur la scène de son propre crime. La personne à qui appartenait cet ADN était fichée, et elle a fait de la prison pour un crime qu’elle n’avait pas commis…
De plus, il n’y a pas que l’ADN qui permette d’aider et/ou d’orienter l’enquête. Pour identifier un individu, il y a également les empreintes digitales. Et la police scientifique dispose aussi de beaucoup d’autres techniques pour identifier un coupable ou innocenter un suspect, comme par exemple l’étude des résidus de tir quand il y a eu un coup de feu.