[Du brouillard dans le GPS ] Sur la trace des brouilleurs de GPS

Dans son petit atelier encombré d’appareils de toutes sortes, Todd Humphreys, directeur du Laboratoire de radionavigation de l’université du Texas, à Austin, montre à ses étudiants la vidéo d’une expérience récente. On y voit un smartphone tenu à bout de bras dont l’écran montre une carte Google : « L’appareil se localise avec sa puce GPS et indique sa position grâce à un point bleu sur la carte. » Soudain, le point bleu se met à bouger, comme si le smartphone venait d’être embarqué dans une voiture, alors qu’il est toujours au même endroit. La puce GPS transmet une position erronée, mais crédible, car la progression sur la carte se fait à une allure normale, le long d’une rue.

Pour expliquer cette énigme, Todd Humphreys montre du doigt un boîtier d’aspect banal, posé dans un coin de l’atelier : « C’est un spoofer (« usurpateur »), un simulateur GPS. Il capte les signaux authentiques des satellites GPS, puis les réémet sur la même longueur d’onde après avoir légèrement modifié les coordonnées. Les systèmes GPS du voisinage vont capter en priorité le faux signal du spoofer, car il est plus puissant que celui d’un satellite situé à 20 000 kilomètres de la Terre. Si j’en installais un sur le toit de cet immeuble avec une bonne antenne, je pourrais fausser tous les GPS du quartier, et même ceux des avions passant au-dessus de la ville. »

Selon Todd Humphreys, un spoofer utilisé à des fins malveillantes par des hackers, des gangsters ou des terroristes pourrait provoquer des catastrophes en chaîne, car les systèmes GPS jouent désormais un rôle essentiel dans de nombreux secteurs d’activités : les transports terrestres, aériens et maritimes, la gestion de conteneurs, le guidage des machines agricoles, les communications électroniques et même les banques, qui se servent des signaux satellites comme d’une horloge universelle pour dater des transactions financières au centième de seconde.

A ce jour, on n’a recensé aucun incident majeur dû à l’utilisation d’un spoofer, mais Todd Humphreys affirme que des hackers isolés s’amusent à construire des appareils artisanaux. Des modèles expérimentaux à vocation scientifique sont en vente sur Internet.

Par ailleurs, les appareils plus basiques, visant seulement à brouiller les signaux GPS, sont en train de se banaliser. Il s’agit d’engins assez simples, qui diffusent un signal parasite sur les longueurs d’onde utilisées par les satellites. Résultat : les systèmes GPS alentour, désorientés, cessent de fonctionner.

Dans la plupart des pays, leur usage est interdit, mais ils sont en vente libre sur divers sites Internet européens et asiatiques. Le petit brouilleur de poche se rechargeant sur l’allume-cigare d’une voiture ne coûte que 30 euros. Les modèles plus puissants coûtent environ 200 euros. Certains sites chinois vendent même des super-brouilleurs à usage militaire, montés sur trépied, capables de perturber les GPS à plus d’un kilomètre à la ronde. Dans un autre genre, des groupes de hackers militant pour la protection de la vie privée des citoyens publient sur Internet des modes d’emploi permettant aux bricoleurs de fabriquer leur propre brouilleur.

A Austin, Todd Humphreys s’est procuré une vingtaine de ces engins, pour les tester dans son laboratoire : « A l’intérieur, ils sont quasi identiques, ce qui laisse supposer qu’ils viennent tous des mêmes usines, probablement chinoises. » Il a aussi découvert que les petits modèles bon marché étaient souvent bien plus puissants que prévu et perturbaient des systèmes GPS à plusieurs dizaines de mètres.

Sur leurs sites, les vendeurs expliquent que les brouilleurs servent à neutraliser une balise GPS placée dans un véhicule à l’insu du conducteur ou contre son gré. Ainsi, aux Etats-Unis, ils sont utilisés depuis des années par des camionneurs souhaitant échapper à la surveillance de leur entreprise, par exemple pour travailler au noir pendant leur jour de repos. En 2009, à l’aéroport de Newark, près de New York, un système expérimental de guidage d’avion par GPS tombait mystérieusement en panne quatre fois par semaine, à heure fixe. Il a fallu aux experts des semaines pour comprendre que le coupable était un camion de livraison équipé d’un brouilleur qui passait à proximité de l’aéroport.

Le problème risque de bientôt changer d’échelle, car les balises de surveillance, longtemps réservées aux transporteurs, aux policiers et aux espions, sont désormais en vente libre pour le grand public. La société Garmin, connue dans le monde entier pour ses GPS de voiture et de loisir, propose pour 199 euros une balise grosse comme le pouce, très facile à cacher dans une voiture, une moto, une valise – l’outil idéal pour les maris jaloux, les chefs de service soupçonneux, les parents trop curieux, les concurrents malhonnêtes, les services de sécurité trop zélés… Si l’utilisation sauvage de ces balises se généralise, on doit s’attendre aussi à une explosion des ventes de brouilleurs.

Par ailleurs, des bandes organisées de voleurs de camions commencent à utiliser les brouilleurs GPS. La société Freightwatch, spécialisée dans la surveillance électronique des marchandises, et basée à Austin, étudie de près ce phénomène. Selon son directeur, Bill Games, les affaires de ce type sont très rares en Amérique du Nord et en Europe, mais elles sont courantes au Mexique et surtout au Brésil : « D’abord, les voleurs suivent le camion de près, dans une voiture équipée d’un brouilleur, dit-il. Le système GPS perd donc la trace du camion avant même qu’il n’ait été volé. Puis les malfaiteurs obligent le chauffeur à s’arrêter et repartent avec le camion, toujours escorté par la voiture transportant le brouilleur. »

Déjà, la contre-attaque s’organise. En Grande-Bretagne, un consortium de laboratoires publics et privés a mis au point un appareil capable de détecter la présence de brouilleurs GPS. Lors de tests effectués le long des routes anglaises, les chercheurs ont eu la surprise de découvrir qu’ils sont déjà assez répandus – plusieurs détections par semaine sur un seul carrefour, pris au hasard.

A Austin, Todd Humphreys termine la mise au point d’un appareil encore plus perfectionné, qui localisera précisément les brouilleurs GPS et permettra à la police de les saisir. Mais, par ailleurs, il remarque que les nouveaux émetteurs radio de type USRP (universal software radio peripheral), très prisés par les chercheurs et les radioamateurs car ils couvrent toutes les gammes d’ondes, peuvent diffuser un signal sur les fréquences GPS, ce qui provoque un brouillage très efficace. La guerre des brouilleurs ne fait que commencer.

(lemonde.fr)

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2 réponses à [Du brouillard dans le GPS ] Sur la trace des brouilleurs de GPS

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